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En Pologne, l’audiovisuel public sort de l’ère de la propagande

Avec ses petites lunettes rectangulaires et son costume de couleur bleu marine, Ernest Zozun semble être dans son élément sur le plateau de la télévision publique polonaise TVP Info, où il coanime une émission d’actualité internationale depuis janvier. Cet ancien correspondant de la radio publique polonaise en Russie et en Irak sort pourtant d’une véritable traversée du désert. En 2020, après plus de trente ans au sein des médias publics, ce journaliste avait été remercié de l’iconique radio publique Trojka, après avoir dénoncé la censure d’une chanson critiquant le pouvoir national-conservateur de l’époque.
Licenciements, départs volontaires et rétrogradations ont été le lot de centaines de journalistes de l’audiovisuel public polonais, entre 2015 et 2023, alors que pays était gouverné par le PiS (Droit et justice). Cet exécutif conservateur, condamné à plusieurs reprises par la Cour de justice de l’Union européenne pour ses atteintes à l’Etat de droit, avait rapidement fait main basse sur l’audiovisuel public.
Le hertzien télévisé est devenu, dès 2016, un relais de l’action gouvernementale et une machine à calomnier l’opposition. C’est notamment dans le journal télévisé de TVP de 19 h 30 et sur TVP Info, sa chaîne d’information en continu, que la tonalité progouvernementale était le plus marquée. En octobre 2020, alors que le durcissement de la loi sur l’avortement en Pologne avait poussé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues, TVP titrait dans son bulletin de grande écoute : « Le fascisme de gauche détruit la Pologne ».
Depuis la fin de décembre 2023, date à laquelle la télévision publique a repris du service après plusieurs jours de perturbation, les bandeaux se font plus discrets et factuels. Cette nouvelle mouture a résulté de la prise du pouvoir à Varsovie, quelques jours plus tôt, par une coalition pro-européenne portée par les urnes en octobre, et qui avait promis d’en finir avec « cette fabrique de mensonges ».
Aujourd’hui, le micro est régulièrement tendu au PiS dans l’opposition, sans pour autant diaboliser ses représentants. Et nombreux sont les anciens journalistes un temps bannis du service public à l’avoir regagné.
« Pendant huit ans, sous le PiS, les fondations des médias publics ont été détruites. Ces derniers ont été brutalement politisés. La propagande et le langage de haine étaient si forts dans les médias publics que c’est un peu le calme après la tempête », souligne Dorota Nygren, spécialiste des médias au sein du groupe de réflexion Polityka Insight. Cette ancienne journaliste de la radio de service public avait été elle-même reléguée au département des archives en 2017.
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